Dossier de candidature pour répondre à un appel d'offres
Introduction
La réponse à un marché public par une entreprise comprend un dossier de candidature et un dossier d'offre comprenant une offre financière et un offre technique.
La présentation des candidatures dans les marchés publics a connu ces dernières années une évolution significative, visant à simplifier les procédures et à favoriser l'accès des entreprises, notamment les PME, à la commande publique. Ce processus de modernisation, encadré par le Code de la commande publique, s'inscrit dans une démarche plus large de dématérialisation et d'harmonisation européenne. Cet article examine en détail les différents aspects de cette évolution, en s'appuyant sur les textes législatifs, la jurisprudence et des exemples concrets.
Les conditions de participation
Principes généraux
Conformément à l'Article L2142-1 du Code de la commande publique, les candidats à un marché public doivent démontrer trois éléments essentiels :
1. Leur aptitude à exercer l'activité professionnelle
2. Leur capacité économique et financière
3. Leurs capacités techniques et professionnelles
Ces exigences visent à garantir que les candidats disposent des compétences et des ressources nécessaires pour exécuter le marché de manière satisfaisante.
Proportionnalité des exigences
L'Article R2142-2 du Code de la commande publique impose que ces conditions soient liées et proportionnées à l'objet du marché public ou à ses conditions d'exécution. Ce principe de proportionnalité est fondamental pour assurer un accès équitable aux marchés publics.
Par exemple, pour un marché de fourniture de matériel informatique d'un montant de 50 000 euros, il serait disproportionné d'exiger un chiffre d'affaires annuel de plusieurs millions d'euros. Une telle exigence pourrait être considérée comme une barrière injustifiée à l'entrée pour de nombreuses PME.
Spécificités des marchés de défense ou de sécurité
L'Article L2342-2 du Code de la commande publique autorise l'utilisation de critères supplémentaires spécifiques pour les marchés de défense ou de sécurité. Ces critères peuvent inclure des exigences en matière de sécurité de l'information, de sécurité d'approvisionnement ou de sous-traitance. Par exemple, un marché portant sur la fourniture d'équipements militaires sensibles pourrait exiger des garanties particulières en matière de confidentialité et de sécurité des données.
Le contenu du dossier de candidature - Article R2143-3 Code commande publique
Article R2143-3
Création Décret n°2018-1075 du 3 décembre 2018 - art.
Le candidat produit à l'appui de sa candidature :
1° Une déclaration sur l'honneur pour justifier qu'il n'entre dans aucun des cas mentionnés aux articles L. 2141-1 à L. 2141-5 et L. 2141-7 à L. 2141-11 notamment qu'il satisfait aux obligations concernant l'emploi des travailleurs handicapés définies aux articles L. 5212-1 à L. 5212-11 du code du travail ;
2° Les renseignements demandés par l'acheteur aux fins de vérification de l'aptitude à exercer l'activité professionnelle, de la capacité économique et financière et des capacités techniques et professionnelles du candidat.
Éléments obligatoires
Déclaration sur l'honneur
L'Article R2143-3 du Code de la commande publique impose aux candidats de fournir une déclaration sur l'honneur attestant qu'ils ne font l'objet d'aucune exclusion de la procédure de passation.
Informations demandées par l'acheteur
Conformément à l'Article R2142-1, l'acheteur doit préciser dans l'avis d'appel à la concurrence ou les documents de la consultation les informations nécessaires pour évaluer les capacités des candidats.
Au titre de la candidature le pouvoir adjudicateur ne peut demander qu'une liste limitée de renseignements ou de documents dans le DCE généralement via le règlement de la consultation. Le formulaire DC2 est fréquemment utilisé. Ces renseignements sont destinés à vérifier que les candidats n’entrent dans aucun des cas d’exclusion des marchés publics et disposent de l’aptitude et des capacités pour exécuter le marché public.
Pour les capacités la liste est issue de l'arrêté du 22 mars 2019 fixant la liste des renseignements et des documents pouvant être demandés aux candidats aux marchés publics - NOR: ECOM1830221A. La liste des renseignements et documents pouvant être demandés pour une candidature est limitée.
Cas des marchés de défense ou de sécurité
Pour ces marchés spécifiques, l'Article R2343-3 exige que les candidats fournissent les moyens de preuve dès la transmission du dossier de candidature. Cette exigence plus stricte s'explique par la nature sensible de ces marchés.
Limites aux exigences de l'acheteur
Il est important de noter que l'acheteur ne peut pas exiger des documents non prévus par les textes ou qui favoriseraient indûment les candidats nationaux. Cette limitation a été confirmée par la jurisprudence, notamment dans l'arrêt de la CJCE du 17 novembre 1993, Commission contre Royaume d'Espagne (Aff. C-71/92). Dans cette affaire, la Cour a condamné l'Espagne pour avoir exigé des documents spécifiques qui favorisaient les entreprises espagnoles dans l'accès aux marchés publics.
Les dispositifs de simplification du dossier de candidature
Le Document Unique de Marché Européen (DUME)
L'Article R2143-4 du Code de la commande publique autorise l'utilisation du DUME en remplacement des formulaires nationaux. Ce document, dont le modèle est fixé par le règlement d'exécution 2016/7 de la Commission européenne du 5 janvier 2016, représente une avancée significative dans l'harmonisation des procédures au niveau européen.
Par exemple, une entreprise française répondant à un appel d'offres en Allemagne peut utiliser le DUME pour présenter sa candidature, ce qui simplifie considérablement le processus et réduit les barrières linguistiques et administratives.
Le principe du "dites-le nous une fois"
Ce principe, prévu à l'Article R2143-14 du Code de la commande publique, permet aux candidats de ne pas fournir à nouveau des documents déjà transmis lors d'une précédente consultation. Il s'agit d'une mesure concrète visant à alléger la charge administrative des entreprises.
Par exemple, une PME ayant déjà fourni son extrait Kbis à un acheteur pour un marché précédent n'aura pas à le transmettre à nouveau pour une nouvelle consultation lancée par le même acheteur dans un délai raisonnable. Cette simplification est particulièrement bénéfique pour les petites structures qui disposent de ressources limitées pour gérer les aspects administratifs des marchés publics.
L'utilisation de bases de données ou espaces de stockage numériques
L'Article R2143-13 du Code de la commande publique permet aux candidats de mettre à disposition leurs documents via des espaces numériques. Cette disposition s'inscrit dans la démarche globale de dématérialisation des procédures.
Par exemple, une entreprise pourrait stocker ses certificats de qualification professionnelle sur un espace en ligne sécurisé et simplement communiquer le lien d'accès à l'acheteur. Cette méthode facilite la gestion documentaire tant pour les candidats que pour les acheteurs.
Les modalités de présentation
Délais
L'Article R2143-1 du Code de la commande publique fixe des délais minimaux pour les procédures formalisées. Ces délais visent à garantir que les candidats disposent d'un temps suffisant pour préparer leur dossier.
Par exemple, pour un appel d'offres ouvert, le délai minimal de réception des candidatures est de 35 jours à compter de la date d'envoi de l'avis de marché. Ce délai peut être réduit dans certaines conditions, notamment en cas d'urgence dûment justifiée.
Dématérialisation
L'Article R2132-7 du Code de la commande publique impose la transmission électronique des candidatures, sauf exceptions limitativement énumérées à l'Article R2132-12. Cette obligation de dématérialisation, entrée en vigueur le 1er octobre 2018, représente un changement majeur dans les pratiques.
Par exemple, les candidats doivent désormais déposer leur dossier de candidature sur le profil d'acheteur, une plateforme en ligne sécurisée. Cette évolution permet de réduire les coûts liés à l'impression et à l'envoi des dossiers, tout en facilitant leur traitement par les acheteurs.
Signature
Le Code de la commande publique ne prévoit pas d'obligation de signature des candidatures, sauf exigence expresse de l'acheteur. Cette flexibilité vise à simplifier le processus de candidature, notamment pour les petites entreprises qui ne disposent pas nécessairement de signature électronique.
Groupements d'entreprises
Les articles R. 2142-19 et suivants du Code de la commande publique permettent aux entreprises de s'associer pour unir leurs moyens. Cette possibilité est particulièrement intéressante pour les PME qui peuvent ainsi accéder à des marchés plus importants.
Par exemple, une petite entreprise spécialisée en menuiserie pourrait s'associer à une entreprise de maçonnerie pour répondre à un marché de rénovation d'un bâtiment public. Cette coopération permet de mutualiser les compétences et les ressources.
Les concepts juridiques importants
Le principe de proportionnalité
Consacré à l'Article R2142-2 du Code de la commande publique, ce principe oblige les acheteurs à adapter leurs exigences à l'objet et à l'importance du marché. Il vise à éviter des demandes excessives qui pourraient restreindre injustement l'accès à la commande publique.
Par exemple, pour un marché de fournitures de bureau d'un faible montant, il serait disproportionné d'exiger des références de marchés similaires sur les 10 dernières années. Une telle exigence pourrait être considérée comme discriminatoire envers les entreprises nouvellement créées.
La non-discrimination
Ce principe fondamental, rappelé à l'Article L3 du code de la commande publique, garantit l'égalité de traitement entre les candidats, quelle que soit leur nationalité ou leur taille.
Par exemple, un acheteur ne peut pas exiger une certification spécifique française si des certifications européennes équivalentes existent. Cette règle a été confirmée par la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union Européenne, notamment dans l'arrêt du 10 mai 2012, Commission européenne c/ Royaume des Pays-Bas (aff. C-368/10).
La dématérialisation
Imposée par l'Article R2132-7 du Code de la commande publique, la dématérialisation vise à simplifier le processus de candidature et à le rendre plus efficient.
Par exemple, les candidats peuvent désormais déposer l'ensemble de leur dossier de candidature sur le profil d'acheteur, une plateforme en ligne sécurisée, à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit jusqu'à la date limite de dépôt. Cette flexibilité facilite la participation des entreprises, notamment celles situées dans des fuseaux horaires différents.
L'allotissement
Prévu à l'Article L2113-10 du Code de la commande publique, l'allotissement favorise l'accès des PME aux marchés publics en divisant un marché en plusieurs lots.
Par exemple, un marché de construction d'une école pourrait être divisé en lots distincts pour le gros œuvre, l'électricité, la plomberie, etc. Cette division permet à des PME spécialisées de candidater sur les lots correspondant à leur domaine d'expertise.
La transparence
Ce principe se traduit notamment par l'obligation de publier les critères de sélection des candidatures dans l'avis de marché ou les documents de la consultation. Il vise à garantir une concurrence équitable et à permettre aux candidats de préparer au mieux leur dossier.
Jurisprudence
La jurisprudence a joué un rôle important dans l'interprétation et l'application des règles relatives à la présentation des candidatures.
CE, 4 avril 2018, n°415946
Dans cette affaire, le Conseil d'État a admis qu'un groupement d'entreprises puisse candidater à un marché comportant des prestations règlementées, même si seul l'un des membres du groupement possède les qualifications requises. Cette décision est importante car elle favorise l'accès des PME aux marchés publics en permettant la complémentarité des compétences au sein d'un groupement. Par exemple, dans le cadre d'un marché de construction incluant des travaux électriques réglementés, une entreprise de maçonnerie pourrait s'associer à un électricien qualifié pour répondre à l'ensemble du marché.
CE, 10 mai 2006, Syndicat intercommunal des services de l'agglomération valentinoise, n° 286644
Dans cet arrêt, le Conseil d'État a jugé que l'acheteur peut imposer l'utilisation de formulaires types si les caractéristiques du marché le justifient. Cette décision encadre le formalisme de la présentation des candidatures en permettant une certaine standardisation, tout en soulignant que cette exigence doit être justifiée par les spécificités du marché. Par exemple, pour un marché complexe de travaux, l'utilisation de formulaires standardisés pourrait faciliter la comparaison des capacités des candidats.
CJUE, 19 mai 2009, Assitur Srl c. Camera di Commercio, Industria, Artigianato e Agricoltura di Milano, Aff. C-538/07
Cette décision de la Cour de Justice de l'Union Européenne établit que l'acheteur doit apprécier au cas par cas si le rapport de contrôle entre des entreprises liées a influencé le contenu de leurs offres, avant de les écarter de la procédure. Elle est importante car elle précise les limites du principe de libre accès à la commande publique, en interdisant l'exclusion automatique d'entreprises liées et en imposant une analyse concrète de l'influence sur la concurrence. Par exemple, si deux filiales d'un même groupe soumissionnent pour un même marché, l'acheteur ne peut pas les exclure automatiquement mais doit examiner si leur lien a effectivement faussé la concurrence.
CE, 25 janvier 2019, n°421844
Dans cette décision, le Conseil d'État a confirmé que les candidats à un marché public doivent seulement fournir une déclaration sur l'honneur au stade de la candidature, les attestations et certificats n'étant exigés que du seul attributaire pressenti. Cette décision clarifie les obligations documentaires des candidats en allégeant la charge administrative au stade de la candidature. Par exemple, une entreprise candidate n'a pas à fournir immédiatement ses attestations fiscales et sociales, mais seulement si elle est pressentie pour l'attribution du marché.
CE, 29 décembre 2006, Société Bertele SNC, n° 273783
Cette décision du Conseil d'État établit que l'acheteur doit retenir des critères distincts pour l'appréciation des candidatures et des offres. Elle est importante car elle garantit une séparation claire entre ces deux phases de la procédure, assurant ainsi une évaluation objective des offres indépendamment des qualités propres des candidats. Par exemple, l'expérience d'une entreprise peut être prise en compte au stade de la candidature, mais ne devrait pas, en principe, influer sur la notation de son offre.
CE, 2 août 2011, Parc naturel régional des grands Causses, n° 348254 :
Dans cet arrêt, le Conseil d'État a autorisé, en procédure adaptée, l'utilisation de l'expérience des candidats comme critère de jugement des offres si cela est objectivement nécessaire. Cette décision apporte une nuance importante au principe de séparation entre l'examen des candidatures et des offres, reconnaissant que dans certains cas, l'expérience peut être déterminante pour la qualité de l'offre. Par exemple, pour un marché de maîtrise.