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TA Montreuil, 28 juillet 2023, n° 2308306

TA Montreuil, 28 juillet 2023, n° 2308306, Sté Interface conseil

Limitation du nombre de pages du mémoire technique dans un marché public.

Un groupement ayant porté le nombre de pages utiles du mémoire technique à un nombre supérieur aux 40 pages exigées peut voir son offre écartée comme irrégulière. Cela constitue un vice entachant la validité du contrat, qui n'est pas susceptible d'être régularisé devant le juge.

Analyse du jugement du tribunal administratif

Une société a demandé au tribunal administratif de Montreuil d’annuler la procédure de passation d’un marché public lancée par le département de la Seine-Saint-Denis pour la mise en œuvre d’un dispositif d’accompagnement des bénéficiaires du RSA.  

La société a soutenu que son offre avait été irrégulièrement écartée au motif qu’elle ne respectait pas la limitation de pages du mémoire technique exigée dans le règlement de la consultation.

Le juge des référés a rejeté le recours de la société Interface conseil en estimant :

  • que l’exigence de limitation de pages n’était pas dépourvue de toute utilité, notamment pour faciliter l’analyse et la comparaison des offres,
  • et que la société requérante avait dépassé de 30% le format requis sans possibilité de le respecter en modifiant uniquement la mise en forme.

Texte du jugement

[...]

En ce qui concerne le moyen tiré de l'irrégularité de l'offre présentée par le groupement attributaire :

11. Aux termes de l'article L. 2152-1 du code de la commande publique : " L'acheteur écarte les offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées ". L'article L. 2152-2 du même code définit l'offre irrégulière comme l'offre " qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation () ". Le règlement de la consultation d'un marché est obligatoire dans toutes ses mentions. L'autorité concédante ne peut, dès lors, attribuer ce contrat à un candidat qui ne respecte pas une des exigences imposées par ce règlement, sauf si cette exigence se révèle manifestement dépourvue de toute utilité pour l'examen des candidatures ou des offres. Une candidature doit être regardée comme irrégulière dès lors qu'elle ne respecte pas les exigences fixées par le règlement de la consultation relatives au nombre maximum de pages des documents transmis, sous réserve que ces exigences ne soient pas manifestement inutiles.

12. En l'espèce, l'article 4.3 du règlement de la consultation, relatif à la constitution du dossier de l'offre, exigeait la production du mémoire technique, et, de manière distincte, des copies des cartes grises ou du titre de propriété, bail ou document prouvant l'existence des dépôts utilisés ou, à défaut, tout document permettant d'attester d'un engagement écrit à disposer des dépôts au plus tard à la date de démarrage de l'exploitation, notamment. Toutefois, le cadre du mémoire technique indiquait quant à lui que le mémoire technique ne devait pas excéder 40 pages, annexes comprises hormis les cartes grises, créant ainsi une incertitude quant à la question de savoir si les documents relatifs aux dépôts utilisés devaient ou non intégrer les annexes du mémoire technique. Dans le cadre de la consultation, la région Grand Est, interrogée sur ce point, a toutefois expressément indiqué aux candidats que les documents prouvant la propriété ou l'engagement de propriété ou de location devaient être fournis en annexe du mémoire technique, de sorte que la preuve de l'existence et de la disposition des dépôts utilisés devait être regardée comme un élément à part entière du mémoire technique au sens des documents de la consultation. L'exigence ainsi faite aux candidats de produire un mémoire technique ne devant pas excéder 40 pages n'est pas manifestement inutile.

13. Il résulte de l'instruction, notamment de la version confidentielle du mémoire technique du groupement composé de la société Kéolis sud Lorraine, de la société Marcot et de la société Cars Ferry produit par la région Grand Est en application des dispositions de l'article R. 412-2-1 et L. 611-1 du code de justice administrative, que celui-ci renvoyait expressément à une annexe jointe, constituée de plusieurs pages, pour justifier de la preuve de l'existence ou de la disposition des dépôts utilisés dans le cadre de l'exécution du présent contrat. Ce faisant, le groupement auquel appartient la société Kéolis doit être regardé comme ayant porté le nombre de pages utiles du mémoire technique à un nombre supérieur aux 40 pages exigées. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'offre du groupement attributaire aurait dû être écartée comme irrégulière doit être accueilli et constitue un vice entachant la validité du contrat, qui n'est pas susceptible d'être régularisé devant le juge.

Sur les conséquences des vices invoqués :

En ce qui concerne l'annulation ou la résiliation du contrat :

14. Le vice entachant la procédure de passation du contrat et consistant à retenir une société dont la candidature ou l'offre aurait dû être écartée comme irrégulière ne s'oppose pas nécessairement à la poursuite de l'exécution du contrat conclu avec cette société. Il incombe au juge saisi d'une contestation de la validité du contrat, au regard de l'importance et des conséquences du vice, d'apprécier les suites qu'il doit lui donner.

15. En l'espèce, la circonstance que le groupement attributaire n'ait pas respecté le nombre minimum de pages exigibles pour la production des éléments devant être contenues dans son mémoire technique n'est pas de nature à justifier l'annulation du contrat. Par ailleurs, cette même circonstance est par elle-même sans incidence sur les critères d'appréciation des offres, lesquels tenaient notamment à la preuve matérielle de l'existence ou de la disposition des dépôts, et non au nombre de pages rendues nécessaires pour apporter cette preuve. Ainsi, eu égard à la portée purement formel de ce manquement au règlement de la consultation, ce vice ne fait pas obstacle à la poursuite de l'exécution du contrat.

[...]

Voir également la jurisprudence administrative sur les mémoires techniques

Mémoire technique ni signé ni tamponné et non conforme aux conditions exigées par le règlement de consultation entrainant l’irrégularité de l’offre (TA Marseille, 11 août 2023, n° 2306900)

Entreprises : Privilégiez un mémoire technique de qualité plutôt qu'un document trop général et donc insuffisamment précis et spécifique. L’acheteur peut rejeter l'offre d'une société, à laquelle il reproche d'avoir fourni un mémoire technique trop général et donc insuffisamment précis et spécifique au regard des besoins du marché (TA Paris, 5 janvier 2023, n° 2328772).

Le mémoire technique doit comprendre la description détaillée des prestations si le règlement de consultation du marché l’impose. Si l’offre technique produite par une société soumissionnaire ne comporte pas certaines descriptions exigées l'offre correspondante ne respectant pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, elle est irrégulière (CAA Bordeaux, 24 mai 2018, n° 16BX01333).

Le règlement de la consultation est obligatoire dans toutes ses mentions et l'acheteur ne peut, en conséquence, attribuer le contrat à un candidat qui ne respecte pas une des exigences imposées par ce règlement, "sauf si cette exigence se révèle manifestement dépourvue de toute utilité pour l'examen des candidatures ou des offres ou si la méconnaissance de cette exigence résulte d'une erreur purement matérielle d'une nature telle que nul ne pourrait s'en prévaloir de bonne foi dans l'hypothèse où le candidat verrait son offre retenue". (CE, n° 426763, 22 mai 2019, Société Corsica Ferries).

Une société qui se borne à mentionner qu’elle disposait des différents personnels qualifiés qui pourraient être spécifiquement affectés au marché, sans produire aucun élément justificatif à l’appui de cette déclaration, rend son offre "non-conforme", c'est à dire irrégulière (CE, 21 mars 2018, n° 415929, département des Bouches-du-Rhône).