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mémoire technique type précis et spécifique

La fin des exemples de mémoires techniques types dans les marchés publics ? (TA Paris, 5 janvier 2023, n° 2328772)

Mémoires techniques des marchés publics : la jurisprudence administrative sanctionne les offres techniques génériques.

Si pour une réponse donnée vous fournissez habituellement un mémoire technique généraliste et donc insuffisamment précis et spécifique au regard des besoins du marché, lisez la suite.

Pour le tribunal administratif de Paris (TA Paris, 5 janvier 2023, n° 2328772) "si la société soutient que ses offres n'auraient pas dû être considérées comme irrégulières eu égard à son expérience forte et à l'adéquation entre celles-ci et les besoins du marché, d'une part, son expérience ne suffit pas à établir que son offre répondait nécessairement aux besoins du marché ce qui révélerait une dénaturation globale de son offre ou une discrimination à son encontre, d'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que l’acheteur ait altéré les termes des offres de la société, à laquelle elle ne reproche que d'avoir fourni un mémoire technique trop général et donc insuffisamment précis et spécifique au regard des besoins du marché". 

La messe est dite !

Si vous souhaitez remporter des marchés publics il faut rédiger des mémoires techniques sur-mesure, précis et répondant aux attentes, et en aucun cas des documents génériques issus de modèles et de copiés-collés.

Evidemment, tout le monde s’en doutait car les acheteurs publics sanctionnent déjà logiquement via la notation de la valeur technique les documents génériques et autres exemples stéréotypés ainsi que les copier coller.

Pourquoi voulez-vous qu'un acheteur retienne une offre générique alors que des concurrents présentent des offres de qualité ?
Comment l'acheteur pourrait-il justifier ce choix ?
Voir ce cas d'un mémoire technique généraliste présenté par l'attributaire alors que celui de l'entreprise éliminée comportait des dispositions précises et non stéréotypées (CE, 8 février 2010, n° 314075).

Document spécifique à chaque marché un mémoire technique est destiné à noter la valeur technique de l'offre, Il détaille dans le CCTP la réponse de l'entreprise aux exigences techniques et organisationnelles de la prestation objet du marché décrites .

Aide à la rédaction du mémoire technique et assistance

Sommaire

  • Des mémoires techniques génériques sanctionnés
  • Un récent jugement inintéressant du Tribunal administratif de Paris
  • Que dit précisément ce jugement ?
  • Quelles implications concrètes pour les entreprises ?
  • Vers une obligation de mémoires techniques spécifiques
  • Références juridiques

Des mémoires techniques génériques sanctionnés

Vous pensiez gagner du temps en utilisant un modèle de mémoire technique que vous pensiez savoir adapter ?

Détrompez-vous : cette pratique détruit vos chances de succès, pour vous en convaincre réclamez les rapports d’analyse des offres.

La douleur des mémoires techniques types et autres exemples génériques faisant illusion

C’est un fait connu de tous les habitués des marchés publics : rédiger un mémoire technique de qualité, c’est long, laborieux et complexe.

Alors, tentées par la facilité et tiraillés par des délais toujours trop courts, nombre d’entreprises cèdent à l’appel :

  • de l’exemple de mémoire technique type rédigé une bonne fois pour toutes, en réalité impossible à adapter au marché visé
  • du “copier-coller” qui permet d’assembler rapidement des éléments épars,

Et comme si cela ne suffisait pas elles en rajoutent une couche :

  • le document va se présenter comme une plaquette publicitaire comme sur du papier glacé,
  • et va comporter 200 pages, car plus on en rajoute mieux c'est !
  • et pour couronner le tout il va comporter une "présentation de l'entreprise" de 4 pages.

Seulement, cette solution de facilité apparente qui a fait beaucoup d’adeptes peut se retourner contre vous !

En effet, une jurisprudence récente du tribunal administratif de Paris montre que les juges administratifs peuvent sanctionner les mémoires techniques insuffisamment personnalisés. Preuve s’il en fallait que la rédaction du mémoire technique devienne un enjeu juridique de premier plan.

Donc attention aux pratiques classiques des documents types, des exemples toujours inadaptés dans les faits et des copier-coller inappropriés.

Mais ce raccourci, aussi confortable et pratique soit-il en apparence, cache en réalité de douloureuses conséquences. Et pour cause : il détruit méthodiquement et implacablement vos chances de remporter les appels d’offres convoités. Et les administrations le savent pertinemment.

Raison pour laquelle elles sanctionnent les offres techniques au contenu trop “générique” notamment via des notes en conséquence pour votre valeur technique.

Un récent jugement du Tribunal administratif de Paris

La tendance à la sanction des mémoires techniques peu qualitatifs et génériques se confirme avec un jugement rendu début 2023 par le Tribunal administratif de Paris (TA Paris, 5 janvier 2023, n° 2328772).

Sachant que, dans la pratique, le problème n’est pas forcément issu d’un tribunal comme dans le cas d’espèce, car il proviendra plutôt de la personne qui note les documents et qui sanctionne le caractère générique du document. C’est très classique et l’entreprise ne s’en aperçoit qu’à la réception de ses notes.

Mémoire technique généraliste insuffisamment précis et adapté au marché

Un exemple avec le jugement du Tribunal Administratif de Paris du 5 janvier 2024 qui a vu les 3 offres d’une société écartées pour... mémoire technique insuffisamment précis et adapté au marché.

Cette société pensait probablement, de bonne foi, que son expérience solide suffirait à compenser la faiblesse de ses documents. Une erreur sanctionnée par le rejet de sa requête.

En l’espèce, dans le cadre d’un accord-cadre lancé par l’office HLM Paris Habitat concernant des équipements de détection de fumées, une société candidate voyait ses 3 offres rejetées au motif d’un « mémoire technique trop général et donc insuffisamment précis et spécifique ».

Outre le fait de contester la méthode de notation retenue, la requérante arguait surtout de sa grande expérience professionnelle qui aurait dû, selon elle, suffire à considérer ses documents comme adaptés au besoin.

Mais le Tribunal n’a pas retenu cet argument, considérant que même une solide expérience ne dispense pas du travail de fond d’analyse du besoin pour produire un mémoire spécifique et précis !

Analyse de cette décision intéressant aussi bien les acheteurs que les entreprises répondant aux marchés publics.

Que dit précisément ce jugement ?

Tout d’abord, le Tribunal rappelle le cadre juridique s’imposant à l’acheteur public :

« L’acheteur doit éliminer les offres qui ne respectent pas les exigences formulées dans les documents de la consultation » (Articles L2152-1 et L2152-2 du Code de la commande publique).

En l’espèce, Paris Habitat reprochait à la société requérante un mémoire technique « trop général et insuffisamment précis et spécifique au regard des besoins du marché ».

Or, la société arguait justement de sa grande expérience professionnelle pour tenter de contrer ce reproche.

Mais le Tribunal écarte cet argument : « Son expérience ne suffit pas à établir que son offre répondait nécessairement aux besoins du marché ce qui révèlerait une dénaturation globale de son offre ou une discrimination à son encontre ».

En clair, même de l’expérience, même de la qualité par ailleurs, ne dispensent nullement de l’obligation d’apporter dans le mémoire « des éléments de réponse précis et réellement adaptés au marché considéré et à son contexte spécifique ».

Une position intransigeante qui marque comme une forme de « tolérance zéro » pour les mémoires passe-partout, aussi expérimentée que soit l’entreprise qui les propose.

Quelles implications concrètes pour les entreprises ?

Au-delà du cas d’espèce, ce jugement a une portée générale pour toutes les sociétés soumissionnant à des marchés publics.

Il acte l’obligation de produire pour chaque consultation un mémoire réellement spécifique et précis, parfaitement adapté au besoin exprimé.

Alors évidemment, il n’y avait pas besoin d’une jurisprudence pour qu’un acheteur chargé de noter la valeur technique des offres applique ces principes.

Par contre la formule du jugement selon la quelle il s’agissait d’un « mémoire technique trop général et insuffisamment précis et spécifique au regard des besoins du marché » reflète parfaitement les attentes de tous les acheteurs en la matière.

D’ailleurs certains d’entre eux, qui doivent ingurgiter de manière récurrente des offres techniques génériques, rappellent parfois leurs exigences et les pratiques à éviter via une mise en garde dans le règlement de la consultation.  

La crainte de voir son offre rejetée

Au-delà de ce cas d’espèce, l’utilisation de mémoires techniques types ou à base de copier/coller inadaptés expose les entreprises candidates à de sérieux risques :

  • Le risque de se voir directement éliminé par l’administration au stade de la sélection des offres en cas de manque de précisions ou d’inadaptation manifeste
  • Le risque de recours et d’annulation de la procédure par un concurrent mécontent, vous privant de la possibilité de signer le marché pourtant ardemment désiré
  • Le risque de ne pas être en mesure d’exécuter correctement le marché faute d’avoir correctement anticipé et chiffré les prestations attendues
  • Le risque également de laisser échapper des marchés à sa portée en raison d’une offre technique insuffisamment travaillée
  • Le risque de commettre des erreurs grossières ou des contresens très dommageables en raison de copier/coller hâtifs de passages sans lien entre eux

Autant de menaces qui pèsent sur les entreprises cédant à la facilité de la réponse standardisée. Des menaces très concrètes, qui se sont déjà matérialisées pour bon nombre de sociétés.

Alors, certes, lorsque l’on est face à un énième appel d’offres à répondre en quelques jours à peine, la tentation du “mémoire déjà prêt” est forte.

Mais vous savez pertinemment où cette impasse risque de vous mener. Tout droit vers le rejet, l’échec et la frustration.

Il est plus prudent de réagir et de changer son fusil d’épaule.

L’urgence d’une refonte en profondeur des pratiques

Compte tenu des risques croissants, il apparaît indispensable d’opérer un virage à 180° dans vos pratiques internes en matière de rédaction des mémoires techniques.

Abandonnez le confort des réponses génériques, et concrètement, ce changement de paradigme implique :

  • L’abandon définitif des mémoires techniques types reposant essentiellement sur du copier/coller
  • La fin des réponses génériques et standardisées
  • Le lancement systématique de votre réflexion par une analyse fine des besoins du cahier des charges et des critères de notation
  • L’élaboration d’un plan de mémoire technique parfaitement adapté au contexte spécifique de chaque appel d’offres
  • La rédaction précise de chaque partie en y intégrant des exemples, des précisions sur les moyens alloués, les méthodes employées, etc.
  • La relecture approfondie de l’ensemble afin de traquer la moindre incohérence ou le moindre manque de précision

Autrement dit, il faut considérer chaque mémoire technique comme un document stratégique à part entière, véritable vitrine de son savoir-faire, qui nécessite un travail en principe plus exigeant que celui mené sur l’offre financière.

De cette jurisprudence découle donc clairement un impératif de qualité et de spécificité qui fait peser une charge supplémentaire sur les sociétés candidates, notamment les plus petites dépourvues de services dédiés.

Vers une obligation de mémoires techniques spécifiques ?

Au final, le message est clair : désormais, mémoires techniques génériques et copier-coller sauvages sont à bannir absolument sous peine de rejet et d’échec.

Seules comptent l’analyse du besoin et la réponse précise sur-mesure.

Certes, rédiger des documents très qualitatifs et totalement adaptés à chaque consultation demandera plus de temps et de compétences.

Mais c’est le prix à payer si l’on veut maximiser ses chances de succès dans les marchés publics.

Références juridiques

Articles L2152-1 et L2152-2 du Code de la commande publique

TA Paris, 5 janvier 2024, n° 2328772 .